PROPRIÉTÉ LITTÉRAIRE ET ARTISTIQUE

PROPRIÉTÉ LITTÉRAIRE ET ARTISTIQUE
PROPRIÉTÉ LITTÉRAIRE ET ARTISTIQUE

Protéger le droit d’auteur et les intérêts pécuniaires des écrivains ou des artistes ne fut jamais pris en compte pendant plus de deux millénaires. Si avec l’apparition de l’imprimerie tous les pouvoirs décidèrent d’instaurer une haute surveillance sur le risque séditieux des œuvres de l’esprit en imposant aux imprimeurs-libraires, mais à leur seul bénéfice, des «privilèges d’imprimer», ce fut sans pour autant se soucier de la condition des auteurs. Et cela sans parvenir à endiguer les éditions pirates; ce mal sévit encore davantage aujourd’hui.

Les premiers dispositifs de protection juridique

La première loi véritablement fondatrice du droit d’auteur est le Statute of Anne , votée, en Angleterre, par la Chambre des communes en 1709. Elle reconnaissait à l’auteur d’ouvrages déjà édités «le droit exclusif de les imprimer à nouveau pendant une durée de vingt et un ans». Autres pays précurseurs, la Norvège et le Danemark (1741), puis l’Espagne (1762) furent parmi les premières nations à protéger les droits de leurs auteurs.

En France, tout en acceptant la réglementation royale des privilèges, Diderot posa, en 1767, les jalons d’une reconnaissance du droit de l’auteur: «Quel est le bien qui puisse appartenir à un homme, si un ouvrage d’esprit [...], la portion de lui-même la plus précieuse, celle qui ne périt point, celle qui l’immortalise, ne lui appartient pas?» En 1777, des arrêts du Conseil du roi édictent pour la première fois les privilèges des auteurs auxquels est accordé un droit de propriété tendant à prendre le pas sur les acquis (à double tranchant) du «libraire-éditeur»; ceux-ci avaient prévalu pendant près de trois siècles.

Aux États-Unis, la législation fédérale de mai 1790 en matière de copyright précédera de peu deux décrets de l’Assemblée révolutionnaire française: voté en janvier 1791, le premier concerna le droit de représentation des spectacles. Quant au second (juillet 1793), il devait innover en adoptant, pour la première fois, les termes de «propriété littéraire et artistique» et énoncer ce qui deviendra la base de la législation française: «Les auteurs d’écrits en tout genre, les compositeurs, les peintres et les dessinateurs qui font graver les tableaux et dessins jouiront leur vie entière du droit exclusif de vendre, faire vendre, distribuer leurs ouvrages dans tout le territoire de la République et d’en céder la propriété en tout ou partie.» L’article 2 de la loi étendit aux héritiers et cessionnaires un même droit «durant l’espace de dix ans après la mort des auteurs».

En France, d’autres lois nous rapprochèrent de l’état de droit positif contemporain. Celle du 14 juillet 1866 porta le délai de protection post mortem à cinquante ans (terme au-delà duquel l’œuvre tombe dans le «domaine public»), et elle fit bénéficier le conjoint des intérêts patrimoniaux et du droit moral. Celle du 11 mars 1902 établit qu’une œuvre est protégée quel que soit son mérite ou sa destination, aucun critère d’ordre esthétique ou autre n’étant opposable. En 1910, la loi du 9 avril protégea les reproductions des œuvres d’art, et celle du 29 mai supprima la nécessité de déposer à la Bibliothèque nationale deux exemplaires de l’œuvre pour bénéficier de la protection, mesure qui datait de François Ier.

L’adhésion de la France à la Convention de Berne en 1886 précéda d’une année celles de la Suisse et de la Belgique, du Luxembourg (1888) et du Canada en 1928. L’objet de cette Convention consistait à étendre la protection du droit d’auteur sur le plan international, en se substituant aux premiers accords bilatéraux d’État à État. Au début du XXe siècle, l’expansion des traductions, la reproduction amplifiée des photographies en similigravure, puis, ultérieurement, l’apparition du cinéma, du disque, de la radio et de la télévision devaient rendre plus complexe la tâche des tribunaux.

La loi française du 11 mars 1957 sur la propriété littéraire et artistique marqua une étape décisive mais cependant temporaire, puisque le législateur ne pouvait prévoir, ainsi que le résume Claude Colombet, «ni la multiplication des œuvres audiovisuelles, ni le développement du câble, du satellite et de l’informatique, ni le danger de la photocopie de masse». La loi du 3 juillet 1985 pallia certains de ces manques et, aujourd’hui, un corpus regroupe, depuis le 1er juillet 1992, sous le titre Code de la propriété intellectuelle (avec le droit des marques et celui des brevets) un ensemble de textes législatifs codifiés.

Le Code de la propriété intellectuelle (C.P.I.)

La première partie du C.P.I. est exclusivement consacrée à la propriété littéraire et artistique, qui couvre tout à la fois le droit d’auteur et les droits voisins du droit d’auteur.

S’agissant du droit d’auteur, le principe fondamental est posé par les deux premiers alinéas de l’article L.111-1 du C.P.I. «L’auteur d’une œuvre de l’esprit jouit sur cette œuvre, du seul fait de sa création, d’un droit de propriété incorporelle exclusif et opposable à tous. Ce droit comporte des attributs d’ordre intellectuel et moral ainsi que des attributs d’ordre patrimonial.» De ces deux dispositions découle tout l’édifice législatif: une œuvre, un auteur, un droit moral, des droits patrimoniaux (ou pécuniaires).

L’œuvre . Reportons-nous à la première partie de l’article précité. Il affirme que la seule existence de l’œuvre, même inachevée et non divulguée – et indépendamment de toute formalité d’enregistrement –, implique la reconnaissance du droit d’auteur. De même, «le titre d’une œuvre de l’esprit, dès lors qu’il présente un caractère original, est protégé comme l’œuvre elle-même».

Sans que ce caractère d’originalité soit explicité ou même érigé expressément en condition déterminante de la protection de l’œuvre par le législateur, c’est bien autour de cette notion que s’est organisée la jurisprudence pour décider du caractère protégeable – ou non – d’une œuvre de l’esprit. L’œuvre est dite protégeable dès lors qu’elle est l’empreinte de la personnalité de son créateur, ce qui suppose qu’elle ait pris forme: seules la composition et l’expression sont protégées par le droit d’auteur, à l’exception des idées qui sont de libre parcours et dont l’appropriation frauduleuse pourra tout au plus être sanctionnée sur le fondement du droit commun de la responsabilité.

Ce critère d’originalité, certes relatif et subjectif, concerne tous les genres. Des fiches de cuisine ou un roman, un morceau de musique ou une peinture bénéficient de la même protection «quels qu’en soient le mérite ou la destination», c’est-à-dire indépendamment de leur valeur ou de leurs qualités.

Tous les domaines de l’écrit et de l’oral (conférences, allocutions, etc.) ainsi que les œuvres du spectacle (de la chorégraphie à la pantomime), les compositions musicales avec ou sans paroles, les photographies, les créations cinématographiques et audiovisuelles, les œuvres de dessin, de peinture, d’architecture, de sculpture, de gravure, les lithographies, les cartes et les illustrations, les plans, les croquis et les ouvrages plastiques relatifs à la géographie, à l’architecture et aux sciences – ainsi que, plus récemment, les créations typographiques et les logiciels – sont, sous condition d’originalité, protégeables.

Le sont également les œuvres dérivées (par exemple les traductions, les adaptations ou les arrangements), les anthologies et les recueils d’œuvres diverses constituant des créations intellectuelles originales. Enfin, les industries saisonnières de l’habillement et de la parure, qui «en raison des exigences de la mode renouvellent fréquemment la forme de leurs produits», peuvent relever du C.P.I.

L’auteur. «La qualité d’auteur appartient, sauf preuve contraire, à celui ou à ceux sous le nom de qui l’œuvre est divulguée.» Indépendamment de cette disposition conçue comme une commodité pour le législateur, divers cas particuliers sont recensés par le C.P.I.

Ainsi l’œuvre de collaboration, à la création de laquelle ont concouru plusieurs auteurs, est-elle la propriété des coauteurs, qui doivent exercer leurs droits d’un commun accord et s’interdisent de porter préjudice à l’œuvre commune. L’œuvre composite , «œuvre nouvelle à laquelle est incorporée une œuvre préexistante sans la collaboration de l’auteur de cette dernière» – par exemple, un poème mis en musique ou l’adaptation cinématographique d’un roman –, devient-elle la propriété de celui qui l’a réalisée, mais sous réserve des droits de l’œuvre préexistante.

Le C.P.I. réserve toutefois à l’œuvre audiovisuelle un traitement particulier: œuvre de collaboration par nature, elle est – sauf preuve contraire – la propriété commune des auteurs du scénario, de l’adaptation, du texte parlé, des compositions musicales avec ou sans paroles et du réalisateur. Est également considéré comme coauteur de l’œuvre audiovisuelle, mais avec des droits prééminents, l’auteur d’une œuvre adaptée (roman ou scénario préexistants) qui n’est pas encore tombée dans le domaine public. En revanche, l’œuvre collective – par exemple, une encyclopédie créée à l’initiative d’un éditeur – devient la propriété de ce dernier, seul investi des droits d’auteur ab initio .

Le cas d’auteurs salariés d’une entreprise (qui bénéficient d’un contrat de louage ou de service) n’entraîne, sauf clause contraire, aucune dérogation à la jouissance du droit d’auteur, à trois réserves près: si un logiciel est créé par un employé dans l’exercice de ses fonctions, l’employeur bénéficiera seul de tous les droits; la même dérogation est appliquée aux agents de l’État, des collectivités et des établissements publics; enfin, si les journalistes se voient reconnaître la qualité d’auteur, ils n’ont pas le droit d’exploiter leur article dans des conditions de nature à faire concurrence au journal ou au recueil périodique qui les emploie.

Le droit moral est ainsi défini par le C.P.I.: «L’auteur jouit du droit au respect de son nom, de sa qualité et de son œuvre.» Ce droit moral est le fer de lance de la grande majorité des combats juridiques qui portent sur le droit d’auteur: le producteur a-t-il mentionné le nom de l’auteur au générique du film? L’éditeur a-t-il indiqué le nom du photographe sur l’affiche? La commune avait-elle le droit de dégrader la sculpture monumentale qu’elle avait commandée? Un éditeur de chansons peut-il exploiter celles-ci à des fins publicitaires? Les tribunaux ont tendance à reconnaître aux auteurs (ou à leurs ayants droit) un droit qui peut s’opposer à des modifications d’aspect, de présentation ou de destination de leur œuvre. Les dénaturations sont interdites.

Le droit moral est «perpétuel, inaliénable et imprescriptible». En cas de décès, il est transmissible aux héritiers selon les règles de la dévolution successorale, l’exercice pouvant en être conféré à des tiers en vertu de dispositions testamentaires. Le droit de divulgation, celui de décider si l’œuvre doit ou non être communiquée au public, relève également du droit moral. À la mort de l’auteur, le droit de divulgation d’une œuvre posthume est toutefois différent de celui prévu à propos des autres attributs puisque, à défaut de désignation par l’auteur d’un ou de plusieurs exécuteurs testamentaires, il est transmis: d’abord aux descendants, à défaut au conjoint contre lequel il n’existe pas un jugement de séparation de corps ou qui n’a pas contracté un nouveau mariage, puis aux héritiers autres que les descendants et, enfin, aux légataires universels. Les renonciations aux prérogatives du droit moral ne sont pas reçues en droit français.

Les droits patrimoniaux : «L’auteur jouit sa vie durant du droit exclusif d’exploiter son œuvre sous quelque forme que ce soit et d’en tirer un profit pécuniaire.»

Ce droit d’exploitation comprend le droit de représentation , c’est-à-dire celui de communiquer l’œuvre au public par récitation publique, exécution lyrique, présentation ou projection publiques, par représentation dramatique ou télédiffusion, et le droit de reproduction , c’est-à-dire le droit de fixer matériellement l’œuvre par tous procédés qui permettent de la communiquer au public d’une manière indirecte: imprimerie, dessin, gravure, photographie, moulage, enregistrements mécanique, cinématographique, magnétique, etc.

«Tirer un profit pécuniaire», c’est le droit pour l’auteur de prétendre à une rémunération pour toute forme d’exploitation de son œuvre. Hors quelques cas précis, énumérés par le C.P.I., celle-ci doit être proportionnelle aux produits de l’exploitation, son taux étant toutefois laissé à l’appréciation des parties. Mais ces dernières ne peuvent convenir d’un taux dérisoire sans courir le risque d’une annulation par les tribunaux. La cession pourra être annulée si l’auteur n’a pas renoncé expressément, par écrit, à invoquer cette nullité.

La loi a toutefois prévu quelques restrictions aux droits patrimoniaux de l’auteur ou de ses ayants droit. Ainsi un auteur ne pourra-t-il s’opposer à des représentations privées ou gratuites de son œuvre ou à des reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste. Il ne pourra pas faire obstacle à une parodie ou à une caricature de son œuvre. L’auteur sera également sans recours face à des revues de presse, des analyses ou de courtes citations effectuées dans un cadre critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information, dès lors que son nom et la source auront été cités.

Si l’on excepte les compositions musicales pour lesquelles elle est de soixante-dix ans et les logiciels pour laquelle elle n’excède pas vingt-cinq ans, la durée de protection des droits patrimoniaux est de cinquante ans post mortem . Cependant, quelques prorogations, dites de guerre, existent pour les œuvres publiées avant ou pendant la durée des hostilités des deux guerres mondiales. Ces droits sont prorogés de trente ans lorsque le créateur est mort pour la France.

Précisons que, dans le cadre de l’Union européenne, la directive adoptée le 29 octobre 1993 par le Conseil de la C.E.E. porte à soixante-dix ans cette durée de protection, déjà en vigueur en Allemagne et en Belgique. Les autres États, comme la France, sont invités à harmoniser leur législation avant le 1er juillet 1995.

Indépendamment de ces règles générales qui ont vocation à régir toutes les situations, le C.P.I. consacre 17 articles (L. 132-1 à 17) au contrat d’édition; nécessairement écrit, comportant plusieurs mentions obligatoires (durée et étendue de la cession, domaines d’exploitation des droits cédés), il formalise la cession par le créateur d’une œuvre de l’esprit – ou par ses ayants droit – à l’éditeur du droit de fabriquer ou de faire fabriquer en nombre des exemplaires de l’œuvre et d’en assurer la publication et la diffusion.

L’éditeur est tenu d’assurer à l’œuvre une «exploitation permanente et suivie et une diffusion commerciale». Si l’œuvre est épuisée et non rééditée, l’auteur peut, après mise en demeure restée infructueuse, solliciter du juge la résiliation du contrat inexécuté, l’allocation de dommages-intérêts et recouvrer la libre disposition de ses droits.

À une date précisée par le contrat, et au moins une fois l’an, l’éditeur doit rendre compte, en adressant à l’auteur ou à ses ayants droit un état mentionnant le nombre d’exemplaires fabriqués, la date et l’importance des tirages, le nombre d’exemplaires en stock ainsi que le nombre d’exemplaires vendus, détruits ou inutilisables. L’auteur peut exiger toutes justifications propres à établir l’exactitude des comptes. La violation de cette obligation est le plus souvent sanctionnée par la résiliation du contrat d’édition, aux torts de l’éditeur, mais, dans quelques cas, les magistrats ont jugé suffisante une condamnation à des dommages-intérêts, parfois assortie d’une injonction à rendre compte sous astreinte.

Depuis janvier 1994, un arrêt de la Cour de cassation fait obligation à l’éditeur d’indexer les droits d’auteur sur le prix de vente public du livre et non plus, comme le pratiquaient certaines maisons d’édition, sur le chiffre d’affaires dégagé auprès des réseaux de vente.

Fort controversé par les sociétés d’auteurs, le droit de préférence autorise l’éditeur à revendiquer soit le droit d’éditer cinq ouvrages nouveaux de l’auteur dans des genres nettement déterminés, soit la production de l’auteur réalisée dans un délai de cinq années à compter de la date de signature du contrat. En cas de refus de l’éditeur de publier un ouvrage, l’auteur disposera de ses droits sur l’ouvrage refusé. Précisons cependant que la cession, par un auteur, de toutes ses œuvres futures est nulle.

Le plus souvent, l’exploitation de l’œuvre par des tiers autres que l’éditeur, telle la cession des droits à un club du livre, à un éditeur de poche ou en vue d’une traduction à l’étranger, est concédée par l’auteur. En ce cas, un intéressement proportionnel pour ces exploitations annexes ou dérivées figure au contrat au profit de l’auteur. Cependant, certains auteurs de best-sellers, en position de force face à l’éditeur, se réservent le bénéfice (ou la majorité) de ces droits. Les droits audiovisuels doivent faire l’objet d’un contrat particulier depuis la loi du 3 juillet 1985.

D’autres formes d’accord existent. Le contrat dit à compte d’auteur , qui implique le versement par l’auteur d’une rémunération convenue, à charge pour l’éditeur de fabriquer les ouvrages et d’en assurer la publication et la diffusion, ne constitue pas un contrat d’édition. Certaines officines sont spécialisées dans cette forme d’édition où l’auteur assume, outre les frais de fabrication, une confortable marge bénéficiaire pour l’exploitant: ce dernier promeut l’ouvrage à travers quelques publicités dans la presse écrite ou à la radio, mais les libraires et autres points de vente ne diffusent pas ces œuvres confidentielles, et la presse, sauf exception, n’en rend pas compte.

Autre forme d’accord possible, le contrat dit de compte à demi implique un cofinancement de l’auteur et de l’éditeur, ce dernier devant assurer la publication et la diffusion; cette forme de société en participation prévoit le partage des bénéfices ou des pertes.

Le contrat de production audiovisuelle lie les auteurs autres que le compositeur de musique au producteur, qui doit verser des droits pour chaque mode d’exploitation différent. Une rémunération proportionnelle est due sur le prix payé par le public s’agissant de recevoir communication d’une œuvre «déterminée et individualisable».

La loi protège également les droits des artistes-interprètes, ceux des producteurs de phonogrammes et des entreprises de communication audiovisuelle. Ces nouveaux «droits voisins» sont explicités aux articles L. 221-1 à L. 216-1 du C.P.I.

Des sociétés de perception et de répartition des droits des auteurs, des artistes-interprètes et des producteurs – auxquelles ces derniers peuvent librement adhérer – ont pour charge de défendre les intérêts de leurs membres, d’assurer le contrôle et la diffusion de leurs œuvres, de recouvrer certains de leurs droits et d’en assurer la répartition. L’action de leur gestion fait parfois l’objet de contestations qui ne proviennent pas uniquement des utilisateurs.

Le C.P.I. traite enfin de la rémunération pour copie privée que l’extension du magnétophone et du magnétoscope a rendu nécessaire pour protéger les droits des auteurs et ceux des artistes-interprètes.

Est ainsi posé le principe d’une redevance sur toutes les bandes magnétiques, versée par la fabriquant ou l’importateur. Son taux et ses modalités de versement – celui-ci étant perçu et réparti par les sociétés de gestion collective des droits d’auteur et des droits voisins – sont fixés par une commission.

Toute infraction au C.P.I., d’ordre moral ou pécuniaire, peut être l’objet de poursuites à l’initiative du ministère public (en cas de saisine du tribunal correctionnel), de l’auteur ou de ses ayants droit (notamment l’éditeur) et des organismes de défense reconnus (la Société des gens de lettres pour les écrivains, la S.A.C.E.M. pour les auteurs-compositeurs d’œuvres musicales, l’A.D.A.G.P. ou la S.P.A.D.E.M. pour les œuvres visuelles et plastiques, l’A.D.A.M.I. et la S.P.E.D.I.D.A.M.E. pour les artistes-interprètes, etc.).

Les tribunaux, appelés à constater une contrefaçon, peuvent confisquer les recettes, les objets contrefaisants et le matériel utilisé, exiger la destruction des œuvres et la publication du jugement, réclamer des dommages-intérêts. Sur le plan pénal, le délit de contrefaçon est puni par une peine pouvant atteindre deux ans d’emprisonnement et un million de francs d’amende.

Différences des systèmes anglais et américains

Il est courant d’opposer le «droit d’auteur» et le «copyright», bataille qui trouve écho jusque dans la presse quotidienne. Le 10 juillet 1990, P.-A. Gay, écrivait dans Le Monde : «La conception anglo-saxonne du droit d’auteur, du copyright [...]. pour simplifier, assimile l’«œuvre» à une «marchandise», l’autre, «européenne et continentale», accorde à l’auteur des droits moraux inaliénables sur le fruit de son travail.» À l’inverse, Alain Strowel, auteur du remarquable ouvrage Droit d’auteur et copyright , estime souhaitable de prendre «une certaine distance par rapport à l’idée très répandue [...] que le droit français est au service des auteurs, le droit américain au service de l’industrie».

L’analyse des termes en usage dans divers pays européens est instructive; elle révèle une forte similitude d’approche entre la France et l’Italie (diritto di autore ), l’Allemagne (Urheberrecht ), l’Espagne (derechos de autor ) et les pays scandinaves, tandis que le terme copyright est seul en usage pour définir la propriété littéraire et artistique en Grande-Bretagne, dans le Commonwealth et aux États-Unis. D’un côté, on veut protéger le créateur et sa personnalité, de l’autre, assurer une protection contre la copie (copy right ).

Quelles principales différences caractérisent ces deux conceptions du droit d’auteur? La question de la formalité de dépôt pour protéger l’œuvre ne tient plus depuis 1911, en Grande-Bretagne, avec l’abrogation de cette formalité préalable, et depuis l’adhésion tardive des États-Unis à la Convention de Berne (1989).

On a pu soutenir que seul le droit d’auteur «à l’européenne», comme il est souvent appelé, défendrait le droit moral du créateur. Ce serait oublier que les moral rights ont été introduits dans les législations anglaise (1988) et américaine (1990). Cependant, de réelles différences demeurent. John Huston, aux États-Unis, ne put s’opposer à la colorisation de ses films, ce qu’un tribunal français a accepté... Mentionnons encore que le droit de suite , qui permet à un artiste de recueillir un pourcentage sur la revente d’une de ses œuvres, une peinture par exemple, en France, en Belgique ou en Allemagne, est ignoré par le Royaume-Uni ou les États-Unis.

Alors que les négociations se poursuivent, l’intégration du droit d’auteur dans l’accord général du G.A.T.T. marque une certaine dérive du droit d’auteur vers le droit économique, mais certaines dispositions de la loi française de 1985 esquissaient déjà cette orientation. Et d’aucuns considèrent que dans le même temps le copyright tend à se rapprocher des législations d’inspiration humaniste. De son côté, la Cour de justice des Communautés européennes tente de concilier l’«existence» et l’«exercice des droits»: dans un premier temps, elle a privilégié les aspects économiques, au nom de la libre circulation des marchandises mais a tendu, plus récemment, à renforcer la protection des créateurs. On notera que le commerce étant libre à l’intérieur de l’Union européenne, il n’est plus possible de fixer des limites territoriales d’exploitation à l’intérieur de ses frontières: ainsi, aucun interdit ne peut-il plus frapper la diffusion-distribution d’une œuvre dans une langue de l’Union européenne, à l’intérieur de celle-ci. Cette mesure a déjà modifié le marché du livre.

Sans nul doute, de réels affrontements subsisteront – tant les enjeux économiques sont considérables – à propos des nouvelles technologies (diffusion par câble, satellites, multimédia et autres procédés à venir).

Les principales Conventions internationales

Elles ont pour objet la protection du droit d’auteur à l’échelon national. Nous avons cité la première, la Convention de Berne, qui fut révisée à plusieurs reprises (Berlin, 1908; Rome, 1928; Bruxelles, 1948). Elle pose pour principe fondamental «l’assimilation de l’unioniste au national», qui oblige que tout ressortissant d’un pays signataire soit traité comme un national par le pays dans lequel il réclame protection. Au 1er janvier 1990, quatre-vingt-quatre États en étaient signataires.

C’est sous l’égide de l’U.N.E.S.C.O., et en présence des États-Unis qui n’avaient pas encore ratifié la Convention de Berne, qu’est née la Convention universelle sur le droit d’auteur (Genève, 1952). Révisée à Paris en 1972, elle présente l’avantage de lier une vingtaine d’États qui ne sont pas encore membres de l’Union de Berne. Elle privilégie les pays en développement, handicapés notamment par la faiblesse de leur économie et de leurs infrastructures d’édition et de diffusion. Ainsi leur a-t-il été accordé, pour les ouvrages scolaires, universitaires ou de recherche, un régime de «licences obligatoires» qui prévoyait des conditions préférentielles pour les traductions. Au-delà de délais fixés par cet accord, le pays en développement a le droit de traduction et d’édition. Celui-ci ne peut lui être refusé s’il respecte les formes édictées (demande préalable et versement de droits «minorés», dans une monnaie convertible).

Cet État dispose également du «droit de reproduction» d’œuvres littéraires ou scientifiques dans leur langue d’origine , après un délai qui ne peut excéder cinq ans après leur publication, si lesdites œuvres ne sont pas disponibles à un prix de vente accessible, correspondant au niveau de vie local. Développer l’essor d’une édition nationale, favoriser le progrès culturel, technique et scientifique en égalisant les chances des pays défavorisés, tel était le généreux objectif des signataires des révisions. Mais cette tentative s’est durement heurtée aux réalités de l’ère postcolonialiste, aux intérêts d’éditeurs nantis qui ont créé des filiales pour, en partie, contrecarrer ces mesures, ou qui ont exporté à des prix enfin plus compétitifs leur production.

Propriété littéraire et artistique droit moral et monopole temporaire d'exploitation pécuniaire appartenant à l'auteur, ainsi qu'à ses héritiers, sur son œuvre.

Encyclopédie Universelle. 2012.

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